CHAPITRE 55
CHAPITRE 55.
En guise de conclusion.
« On n'est jamais trop âgés
Parce qu'un jour il faut bien conclure, non ? Pour s'instruire. » Benjamin Franklin.
J'ai l’impression d'être en plein dans « les années collège » avec un professeur, au loin, qui nous rappellerait les règles d'une bonne dissertation « Alors, vous n'oubliez pas l'introduction, thèse, antithèse et synthèse et puis surtout soignez la conclusion avant de penser à élargir votre propos ».
Est-ce que les mots d'Alex Kahn pourraient être cette ouverture.
Extrait de la préface : Tout homme est une merveille « L'ADN codant les propriétés des cellules est de plus de 98% identique entre l’homme et le chimpanzé, l'analogie restant de 80% avec le rat et, encore, de 50% avec la levure ». Ou peut-être les propos de Yves Coppens qui soulignait quant à lui « La population de la planète est passée d’un à six milliards d'individus en deux cent ans – depuis 1815 – alors que trois millions d'années avaient été nécessaires pour atteindre le milliard d'humains ! », Ou encore, et pour rester dans la même thématique Frédéric Lenoir. Lui, c'est la précision « Le 31 octobre 2011, nous avons franchi le cap des sept milliards d'habitants sur terre alors que nous n'étions que 1,6 milliards en 1900 et, à peine plus de 650 millions au XVIII siècle ». Certes, entre les deux derniers intervenants il y a comme un hic...Mais vue l'échelle choisie, la chose peut, tout à fait, se comprendre.
Je vais rester sur Axel Kahn et lui redonne, par la même occasion, la parole « Pour le généticien « Matérialiste évolutionniste » que je suis, l'homme est un avatar de l'évolution au même titre que le rat, le grain de riz ou le chêne, sans qu'aucune idée préconçue ait présidé à son émergence ».
A cela, je réponds par un énorme OUI ! Bon, ça fait trois ouvertures en guise de conclusion et pour l'heure je pense rester sur cette dernière : On retrouve l'homme, le rat pour l'animal et le chêne pour le végétal. C'est bien dans ma philosophie...
Je sais bien que l'homme est un animal mais la majorité pense le contraire...Ils sont cons, non ?
Mais revenons-en à moi, au moins le temps de cette conclusion.
Comme souvent des images se bousculent et bien sûr loin de tout ordre. Il y a le fond, et puis la forme mais souvent le fond revient à la surface. « Le fond est en train de céder » hurle un fou !
« Un imbécile peut poser à lui seul dix fois plus de question
que des sages ensemble ne pourraient en résoudre. » Lénine.
Ma sœur m'a déçu, mais je ne le suis qu'à moitié. Je savais bien que ceci se passerait ainsi, mais pas à une telle échelle. C'était un tout ou rien. Là, c'était rien ! Un classeur, une photo, pas d'enterrement, pas de notaire mais un vrai monde d'hypocrites.
Et Alain ? C'est ce qui me fait le plus mal. Ça s'est passé récemment, je classais des documents quand je suis tombé sur les papiers du tribunal. Plus précisément ceux concernant le compte rendu final. Comme souvent hélas, j'avais lu celui-ci en diagonale : La diagonale du fou dirait un joueur d'échec. Échec et mat à tous les étages ! Autant j'avais bien relevé le mensonge de ma sœur au sujet du salaire de son mari autant j'étais passé à côté d'Alain. Il faut dire qu'à cela il y avait une raison, pour lui, son salaire était le même que lors de son audition, à l'Euro près. J'avais glissé sur le salaire de Bernadette et pour être honnête j'ai même cru que les deux salaires avaient été cumulés. A quelques centaines d'euros près on pouvait le comprendre.
Lors de l'audition il avait déclaré « Je touche 1690 euros et ma femme 1790 »
La réalité se voulait quant à elle différente. Oh, pas grand-chose, un peu plus de mille euros.
Pour nos deux fonctionnaires, avec le treizième mois plus les primes trimestrielles, le couple tournait avec environ 5000 euros par mois. Assurément, nous ne jouions pas dans la même cour.
Et encore Alain n'avait jamais fait de formation interne. Ces formations où régulièrement vous êtes conviés pour augmenter vos revenus et donc votre net. Une connaissance m'avait affirmé, mais je n'ai pas vérifié l'information « Vous passez quelques semaines à l'extérieur et à la fin c'est comme pour « l'école des fans » tout le monde a gagné. Et vous reprenez votre petit train-train quotidien ».
Il aimait aussi à dire « Ce sont les fonctionnaires qui ont ruiné la France, sachez le bien ! » Il n'avait pas digéré certaines choses comme les agents EDF. A la date du passage des trente-cinq heures. Eux, ils ne se sentaient pas concernés ; Normal, depuis bien longtemps un temps plein se calculait sur une base de vingt-neuf heures. Et puis le calcul de la retraite sur les six derniers mois lui sont toujours restés à travers de la gorge. Les cheminots toujours en grève et cette prise en otage des usagers. Il avait été estomaqué le jour où, pour aider le public senior, en leur offrant une journée de travail, un de ses représentants avait proposé « nous travaillerons une minute par jour ». On aurait pu ajouter ces jours de grève payés pendant des décennies et « normalement » abandonnés. Sans oublier le nombre des fonctionnaires par rapport aux autres nations, Européennes notamment.
Seules les infirmières, et encore des hôpitaux – pas les libérales – trouvaient raison à ses yeux, certains policiers, pas tous, les pompiers. Mais dans l'ensemble il déclarait souvent « Ils passent leur temps à défiler avec cette promesse de le faire pour tous. En nous rejoignant, nous tirons le privé vers le haut ». Bizarrement une fois obtenues les revendications ils restaient fidèles...Mais chez eux.
Il finissait souvent par ses mots « Dans quelques décennies, quand on comparera le Public et le Privé, les gens penseront qu'il n'était pas si loin le temps du Moyen Age et de ses privilèges. »
J'ai repensé aux devis que j'avais remis à Bernadette et aussi à mon frère. Encore une fois, il avait raison : « On croit connaître les gens et puis... ». J'y voyais aussi l'empreinte du couple mère-fille, sœur-nièce. Ce couple infernal, sans limite, sans morale...Et sans fin aussi.
J'étais ce rat, loin de toute expérience scientifique mais avec cette même finalité, réalité.
L'abbé Pierre précisait « Un sourire coûte moins cher que l'électricité et éclaire autant ».
Ici c'est noir et électrique. Je dois sortir...Je dois sortir de là !
« On appelle cercle de famille
un endroit où l'enfant est encerclé » GB Shaw.
Je m'interroge de plus en plus au sujet de mon frère. Je le croyais tellement fort, tellement intègre.
J'aimais ce calme qu'il affichait à chaque moment, j'aimais cette honnêteté, cette bienveillance, sa disponibilité aussi. C'était un peu le contraire de la mère, fille et petite-fille comprise. Un peu comme un repère dans la nuit, tiens ! Salut Richard, ou le phare près des côtes, à la frontière.
Mais il y a une chose qu'il ne faut pas oublier. Pendant plus de dix ans il s'est occupé de la mère au quotidien. Il était SEUL. Et la mère qui jouait à son jeu : Morbide et assassin. Diviser pour mieux régner ! Comme souvent je pensais aussi à Saint Paul. Je venais tout juste d'acquérir la maison que ma mère me demandait « Avec Alain on aimerait bien passer une semaine dans ton village. » J'avais, comme toujours, répondu par l'affirmatif. J'avais donné les clefs, en toute confiance. Aujourd'hui, je le savais en réalité depuis le début mais sans vouloir l'analyser, je savais que ma mère en avait profité pour fouiller mes papiers personnels et surtout faire un double des clefs. Merci Alain ! Depuis j'ai la visite, régulière d’Angélique, pour les autres je ne suis sûr de rien même si... Malgré tout l'illettrisme de mon frère continuait à me perturber. Je comprenais la raison de la mère mais pourquoi Bernadette, depuis près de vingt ans, n'avait-elle rien fait ? J'ai pensé en parler de vive voix avec Alain et puis j'ai eu peur. Aller à sa rencontre pour me faire humilier, encore une fois, alors que je ne souhaitais que son bien. Je ne m'en sentais pas le courage, plus le courage.
Où je repense à ma sœur « Tu sais, Alain, c'était le préféré ». C'était faux. En tout cas pas durant notre enfance. Pour une raison simple : Il n'était jamais là ! Peut-être n'ont-ils pas encaissé le partage du poulet du dimanche ou l'obligation de s'occuper de leur petit frère. Je ne vois pas d'autres avantages que ma position pouvait m'apporter. Il faut dire que pendant toute mon enfance, l'adolescence aussi, j'ai joué le jeu de ma mère. Je ne demandais jamais rien – et, bien sûr, je n'avais rien – et le peu que je pouvais offrir à ma mère je le faisais avec amour. Parfois légalement à travers des cadeaux et parfois illégalement à travers des vols commis chez des particuliers ou dans des magasins.
J'ai souvenir, je devais avoir huit-neuf ans, chez des amis, d'avoir volé, sur un meuble, une pièce de cinq francs. Quand nous sommes partis, une fois dans la rue, je me rappelle avoir ouvert la main et mes parents se rapprocher. Fièrement j'affichais la pièce au creux de ma main. Ma mère a pris la pièce, j'ai relevé la tête. Les amis étaient là, sur leur balcon. Même pour voler on n'avait pas les codes ! On ne les a plus revus. Je crois que quelque part ceci arrangeait ma mère. En effet, ses amis rencontrés assez récemment incitaient ma mère à prendre un emploi. Enfin, surtout la femme de ce couple. Il faut dire que pour cela elle avait des arguments. « Regarde je suis rentrée à l'hôpital pour faire le ménage. Aujourd'hui, et ceci après cinq années en qualité de femme de ménage, je viens de passer mon diplôme d'aide-soignant. Si je le veux, après cinq années en qualité d'aide-soignant, je peux me présenter aux concours d'infirmier. C'est un métier intéressant et qui permet une réelle évolution ». Mais la mère avait décidé d'un autre destin.
« Chacun est prisonnier de sa famille,
de son milieu, de son métier, de son temps. » Jean d'Ormesson
Je ne sais plus si ceci avait été scellé avant ou après, les deux choses se sont déroulées quasiment au même moment, mais le cas du père avait, lui aussi, été sur la sellette. Là encore j'en avais été le témoin. Le seul. Il faut dire aussi que j'étais seul entre ces quatre murs.
On devait regarder le film de 20H30 quand mes parents se sont mis à discuter. Moi, j'étais à ma place. Une discussion qui s'est très vite enflammée. Alors on m'a prié – Enfin manière de parler – de rejoindre ma chambre. Moi, je n'avais nullement sommeil alors j'ai écouté les propos des parents.
Le père :« Oui, mais moi je ne veux pas faire cantonnier.
La mère : C'est quand même un boulot de la ville. Si tu acceptes, tu seras considéré comme fonctionnaire. Toi-même tu disais que les jardiniers avaient la belle vie.
Le père : Oui, mais là c'est pas pareil. Tu me vois en train de balayer les rues... »
Ils ont continué à discuter ainsi quelques instants. Pas vraiment très longtemps quand ma mère a définitivement clos le sujet « Bon, écoute, dans ce cas-là, je m'arrangerai ».
Mais comment ça s'arranger ? Il n'y a pas d'arrangement possible.
Mais la mère avait sa solution : Les allocs ! Ce n'est pas une solution. Elle nous condamnait ! Le savait-elle ? Comprenait-elle ce qu'elle faisait ? Mon dieu, quand rien ne va... !
Nous étions en plein dans ces fameuses trente glorieuses, du boulot bien sûr qu'il y en avait. Avaient-ils conscience qu'ils laissaient passer une chance offerte sur un plateau. Là, ils auraient pu recoller au train, tiens, le train de la vie. Nous on l'a pris en pleine face !
Ils ont laissé passer leur chance, c'est tellement triste. Surtout pour nous. Eux aussi !
Manque de confiance, manque total, manque... La vie en aurait été changée. Quel dommage !
Je n'en ai jamais parlé à personne. Pas même à Muriel. On est resté sur le quai... mais je m'égare.
Je parlais plus haut de vols chez des particuliers, ceci en est un exemple, et puis dans des magasins.
Je nous revois au rayon duvet. Je rentrais en BEP et donc en internat. Le duvet était obligatoire.
A cela il fallait aussi ajouter un bleu de travail, des bottes et puis j'ai oublié le reste. Bref, c'était bien cher pour le budget de la famille. Les parents tiquaient. On sentait presque un climat qui se voulait hostile. Alors quand je suis arrivé au rayon duvet, et pour schématiser, je dirais qu'il y avait trois grands modèles : Le premier prix, dégueulasse ! Le milieu de gamme, honnête et le haut de gamme, impensable, pas pour des gens comme nous. En ces temps, les codes-barres n'existaient pas.
J'ai inter-changé l'étiquette du duvet premier prix et le milieu de gamme et je l'ai déposé dans le caddie à la vue de mes parents. A la caisse tout s'est passé comme sur des roulettes mais je me souviens alors que j'attendais à cette même caisse m'entendre dire « Si la caissière percute n'attend rien de leur part ». En effet, j'étais sûr qu'ils auraient joué les choqués
« Mais comment as-tu pu nous faire ça ? ...On t'a pas élevé ainsi ». « Un jour, j'ai assis la
Élevé, oui le terme était bon. Loin de toute éducation. beauté sur mes genoux.
Élevé, oui, tel un poulet de batterie, hors sol ! Et je l'ai trouvée amère. » A Rimbaud.
Mais quand je pense à mes parents j'ai une autre situation. Je devais avoir neuf-dix ans. Je rentre de l'école. C'est l'effervescence dans le quartier, enfin plus précisément dans mon allée. Un voisin a oublié de couper l'eau et ça déborde dans sa salle de bain, lui il est parti.
Nous on habite au rez-de-chaussée, le voisin en question au deuxième. Les plafonds sont d'ores et déjà détrempés. Dans les communs de l'immeuble, un mini torrent.
Les occupants du premier repoussent l'eau prête à rentrer dans les appartements. Ils accompagnent cette dernière avec des raclettes, parfois un simple balai, en direction des escaliers et bien sûr ça retombe au rez-de-chaussée. Quand le mini torrent arrive devant les occupants du rez-de-chaussée en question, je vois mon père et le voisin d'en face pousser l'eau, toujours dans les escaliers, direction niveau moins un. Là, il y a un truc que je n'ai pas bien compris.
Ils jetaient l'eau dans les escaliers alors qu'ils auraient pu tout aussi bien l'évacuer vers la sortie de l'immeuble. Oui, je n'ai pas compris le pourquoi de l'histoire.
Au final, le niveau moins un comportait une habitation, une seule.
Une vieille dame. Une grand-mère qui ne sortait quasiment jamais de chez elle. Parfois, elle était là à sa fenêtre, un peu comme si elle était de plain-pied, comme nous. J'ai oublié son visage mais je n'ai pas oublié cette boite en fer. Une boite en fer en forme de cœur. Quand elle était à sa fenêtre, elle ouvrait la boite en forme de cœur…et dedans : Plein de bonbons !
Des bonbons de toutes les couleurs. C'était à chaque fois une découverte. « Tout le bonheur du
C'était la grand-mère « comme je l'imagine » aurait pu dire Véronique. monde est dans l'
inattendu » J d'Ormesson
Alors la dame du sous-sol est partie en premier. Et les parents aussi. On a changé de quartier. On s'est déplacé de deux ou trois cents mètres, à vol d'oiseau. On changeait de vie. Pas les mêmes boutiques, pas les mêmes marchés... A partir de là, ma mère très fière d'elle-même déclarait à qui voulait l'entendre – j'ai dû entendre l'explication des dizaines de fois - « En tout cas c'est grâce à moi que tout s'est bien déroulé » Et d'expliquer « Oui, j'avais arrêté l'assurance de la maison et alors que je venais juste de la remettre, une histoire de jour il me semble, arrive cette inondation. Là, j'ai bien assuré. ». Moi, au même moment, je pensais et j'ai bien peur de n'être pas le seul « Mais cela veut dire que ces parents-là ne sont pas capables d'offrir un toit à leurs enfants. Alors qu’en est-il du reste ? ». Mais, pendant ce temps, la mère était très fière de raconter cet événement.
Quand je repense à tout ça je me souviens que mon frère n'était déjà plus là, quant à ma sœur je n'en ai aucun souvenir. Sans doute la raison d'être comme un enfant unique.
Je savais que ma sœur et mon frère étaient là. Mais où ? « Une famille c'est une
mini société que l'on ne choisit pas. »
Je sentais que je partais dans tous les sens. J'ai repensé à la période où j'ai pris, contraint et forcé, mon appartement. Moi, sans le vouloir vraiment, j'avais coupé les ponts. Je fêtais les anniversaires quand j'y pensais, Noël, la fête des mères et parfois un brin de muguet. Enfin, je dis fêter...Non, le terme est impropre. C'est à l'image de cette fête des mères où j'achetais une grande plante, presque un arbuste en réalité. Je l'ai déposé devant la porte des parents puis je suis parti.
J'ai téléphoné à ma mère, les portables n'existaient pas « Je t'ai fait un cadeau, ouvre la porte ».
Elle a raccroché...Puis elle a dû trouver la plante.
Avec mon père j'avais vraiment coupé les ponts – depuis l'âge de quinze ans nous ne nous parlions plus – même si je le croisais, des années plus tard, nous, enfin non, je réagissais comme face à un étranger. Ça, je crois que je le regrette.
Quand je pense à mon père, j'y vois une vieille photo jaunie. Toute petite. La seule qu'il possédait de toute son enfance, sa jeunesse. Il était là, sur un chemin. Il était là perdu dans ce paysage, tout petit ! Voilà pourquoi il prenait tant de photos, c'était comme une revanche sur cette vie et voici aussi pourquoi il avait ce style de cadrage, une habitude, une mauvaise habitude...La seule. Parfois j'ai eu l'impression que lui aussi en était malheureux. Avec le temps, avec du recul, je crois que c'est la mère qui a tout exagéré. On était, peut-être manipulés. Non, on était sûrement manipulés. Non, assurément, nous étions manipulés. C'était son jeu. Sa raison de vivre. Elle était persuadée d'être la plus intelligente et nous étions ses sujets. Et c'était valable pour tous : Le père, les enfants, les autres...Sauf, peut-être, sa sœur. Elle, elle avait réussi professionnellement. C'était un peu elle aussi, non ? Peut-être Guy ? ...Pas sûr...
« Aimer, ce n'est pas se regarder l'un l'autre,
c'est regarder ensemble dans la même direction. » A de Saint-Exupéry
Le jour de ma dernière rencontre avec ma mère, outre tout ce que j'ai déjà raconté, elle m'a aussi dit
« En tout cas, avec ton frère tu étais bien content de nous trouver. Tiens, quand on t’a emmené pour partir en voyage, tu étais content. Le reste tu t'en fous ! Avec Alain, on ne retrouvait plus les entrées d'autoroutes. Le voyage retour a été un véritable enfer ».
Là encore, je découvrais. Pourquoi ne pas m'en avoir parlé ? Cela faisait partie du jeu de la mère. Diviser pour mieux régner. Et régner pour soustraire.
J'ai eu les boules jusqu'à par terre. Comme un effet de tituber de douleur. C'est vrai, il roulait depuis peu, et il faisait toujours les mêmes trajets, ceux de la mère. C'était l'époque où il vivait à travers elle, lui n'existait plus.
J'ai dit « Je dois me rendre à Budapest. Je vais partir en train pour rejoindre la ville de départ car le prix du parking sur place est totalement fou pour deux semaines de stationnement. A moins que tu te sentes capable, si tu le veux bien, de m'accompagner avec ta voiture. Je décolle de bonne heure, normalement les bouchons en sortie de ville ne seront pas encore présents ».
Je lui avais laissé le choix même si j'avais argumenté « Ce serait bien de te faire la main autrement que dans ta ville ». Je crois même que je lui ai laissé plusieurs jours pour réfléchir.
Il a dit oui, alors on l'a fait.
Au retour j'aurai dû demander, je n'y ai pas pensé. « Tout jugement est une
J'avais pensé à lui faire un cadeau mais je ne pensais plus à ça. Épitaphe. » P Baillargeon
C'est sensiblement à la même période que j'ai demandé de l'aide à mon frère. Le mot aide est peut-être un peu fort. C'était plutôt, pour moi, un deal.
Je voyais mon frère travailler de sept heures jusqu'à quatorze heures puis il faisait son jogging, à fond, à fond, sa douche et à partir de seize heures il était à la disposition de la mère.
Et de l'emmener en voiture au cimetière, dans les grandes surfaces, chez des producteurs...
Sa vie était réglée comme une partition de musique avec la mère en qualité de chef d'orchestre.
Tu m'étonnes qu'il ait les mains pleines de crevasses !
Moi, je travaillais dans une station-service, Tchao Pantin, va, et je rédigeais des articles pour la presse écrite. Parfois, je devais me rendre pour un sujet mais je n'en avais pas toujours le loisir.
Alors, j'ai proposé à mon frère, s'il le voulait bien, d'aller prendre des photos pour illustrer mes prochains articles. Je faisais le reste par téléphone ou plus tard sur place. J'avoue lui avoir demandé plusieurs fois. Bêtement, je n'y voyais que des avantages. Pour moi, bien sûr, mais pour lui aussi.
Cela lui permettait de casser cette routine. Hélas, ma mère accompagnait Alain dans ses périples. Cela lui donnait de l'importance « Mais passe pas par-là...Tu te trompes...Passe pas par là... »
Et une fois sur place elle devait se prendre pour la cheffe.
Avec du temps, et le recul nécessaire, je suis sûr qu'elle a dû passer son temps à me casser « En attendant tes frais d'essence, ton aide c'est quand qu'il pense te les payer ? » En effet, avec le vol de mes courriers et notamment de la banque elle devait s'interroger... Elle ne se doutait pas que cela représentait des heures et des heures de reportages sur le terrain et un temps presque aussi long de rédaction. Alain, son travail de photographe, représentait moins de 5% de mon activité. Et je suis plus que très large. Oui, en treize ans il a dû en voir des vertes et des pas mûres à entendre ça et tout le reste. Elle a toujours fait ainsi. Les propos d'Alexandra David-Néel me confirment « Sitôt que l'on demande quelque chose à autrui, que l'on espère quelque chose de lui, la déception vous guette. » Treize ans à s'occuper de la mère. Tous les jours. Toujours sur son dos. A entendre de moi toujours la même chose : Du négatif et encore du négatif. A la fin, je comprends. Je n'excuse pas mais je comprends. En plus je n'étais pas tout blanc...Après elle avait tout loisir pour le mettre à sa sauce. De toute manière Alain n'était pas qu'un ange, surtout avec ce couple qu'il formait désormais avec la mère. Je l'ai cru longtemps. Presque cinquante ans « On croit connaître les gens et puis... ». J'ai retrouvé, dans la sacoche de la mère, des étiquettes faites par ordinateur, autocollantes, avec mon nom et l'adresse de mon amie. A-t-elle écrit ? Je ne suis au courant de rien, je suis un CON ! Je savais pertinemment qu'elle en était capable, hélas !
Ça c'était signé Alain. Lui seul savait. Et sûrement Angélique pour la réalisation de ces étiquettes.
Par la suite j'ai appris plus grave mais il faut bien un jour s'arrêter, non ?
Heureusement que je n'ai pas fait comme lui sinon j'imagine sa surprise.
Si j'avais écouté ma mère j'aurais dû répondre favorablement à ses demandes et notamment celle-ci formulée juste après le mariage d’Alain « J'aimerais bien voir leur maison de campagne. Je sais qu'ils vont au marché les samedis ou les dimanches. Tu veux bien m'emmener ? »
J'étais capable de ne pas être assez vigilant avec moi-même, pas avec les autres.
Avec ma sœur et mon frère j'ai toujours été très respectueux, avec les autres aussi. Trop sûrement !
« Un de ces bouquets de fleurs qui partent toujours
à la recherche d'un cœur et ne trouvent qu'un vase. » Romain Gary.
Et Joëlle dans tout ça. Joëlle, elle n'était pas exposée comme mon frère et moi. Pourquoi ?
A cela deux réponses : Parce qu'elle n'habitait pas à proximité et puis surtout, comme la mère, la fille ne bougeait pas de chez elle. Peut-être comme la mère, deux ou trois fois par semaine. Son mari, quant à lui avait, en quelque sorte, fait un copié-collé avec le beau-père, il sortait se promener les après-midis et touchait son invalidité. Impossible d'aller voler, ou même seulement fouiller.
Dans cette vie basique, était inscrit comme dans du marbre, les rendez-vous mensuels à la mère.
Ça, on ne peut pas le lui enlever, elle ou sa fille, elles étaient toujours, ou presque, à chaque rendez-vous. Autant la famille Jusseron n'achetait jamais rien ou alors parfois, mais rarement... une boite de pâtes de fruits -Ce n'est pas cher des pâtes de fruits, non ? - autant ils étaient là, ou plutôt elles étaient là pour ces rencontres mensuelles. Une boite de pâte de fruits, celles que l'on retrouvait en tête de gondole à LIDL. Son prix : 2 Euros. Et ils étaient cinq pour offrir ça. Ce n'est pas du foutage de gueule, non ? Elles venaient aussi pour le muguet. Mais jamais le jour même, toujours un ou deux jours plus tard. Connaissez-vous la raison ? Bien sûr, après les prix sont divisés par deux, trois, quatre voire plus. Il n'y a pas de petite économie. Comment peut-on être ainsi ? Aussi radin !
Cela me fait penser à Alain. Pour ses quarante ans ils lui ont offert un tee-shirt avec un slogan débile sur la quarantaine. Pareil, ils étaient cinq sur le coup. Cinq pour un tee-shirt à dix-vingt euros, et encore on voyait que ce n'était pas de la qualité. J'ai honte pour eux !
Alain, lui, il ne regardait pas à la dépense. Oui, il était généreux. Pourtant je me souviens qu'une fois il m'a bougrement étonné. Je lui avais proposé de m'accompagner à un vide grenier – bien sûr la mère s'était invitée naturellement j'allais dire – et je vois mon frère qui discute avec un vendeur.
Je m'approche et lui demande ce qui a retenu son attention. Mon frère « Là, regarde, une luge ! ».
En effet, là, il y avait bel et bien une luge. Ce style de luge des années cinquante tout en bois avec des bandes en fer pour bien glisser. Je me suis demandé pourquoi il était intéressé par cet article.
Mon frère « C'est pour Noël, les gamins de la Joëlle ». Nous étions au mois de mai et il prévoyait déjà pour Noël. Il a ajouté dans la foulée mais je ne souviens plus des termes employés « que c'était bien assez bon pour eux. » Donc, à l'époque, il avait bien conscience de cette famille Jusseron.
« Les armes du sage sont sa science et sa langue,
Celle des hypocrites la calomnie et la médisance » Proverbe arabe.
Aujourd'hui le temps a passé... De toute manière je me doute bien que pour cette famille amorale c'était du pain béni. Mon frère qui s'est occupé de la mère pendant treize ans et qui a lâché la rampe, puis moi par la suite et cette même finalité. Pendant ces cinq dernières années elles ont eu tout le loisir de voler dans un premier temps, puis la surfacturation, puis…Enfin, pas cinq ans si on retire les deux années de la maison de retraite. En plus le jour où nous nous sommes retrouvés près du parc municipal, Joëlle m'a confié « C'est sûr que j'étais moins présente avant mon déménagement mais depuis je m'y rendais tous les mois » Voilà pourquoi la mère avait fait écrire par sa représentante « Qu'elle venait irrégulièrement » Et puis ma sœur avait ajouté « De toute manière avec mon mari on faisait tapisserie. Souvent la mère ne parlait même pas » Tu m'étonnes ?
Quelqu'un a parlé d'hypocrisie, non ?
Elles n'avaient qu'un seul objectif : Elles visaient l'héritage ! En effet, ma sœur et leurs gamins, depuis toujours parlent de l'argent de la mère. Plusieurs fois je leur ai dit qu'ils faisaient fausse route mais je crois bien qu'ils ne m'ont pas cru. Et puis elles en profitaient, lors de ses rendez-vous mensuels, pour s'inviter à manger. Il n'y a pas de petites économies. Depuis la mort du père elles sont là à attendre. Plus de trente ans. Alors, aujourd'hui c'est pas l'autre qui va nous emmerder. Et puis Alain a dit qu'il ne voulait rien récupérer, l'autre c'est pareil, non ? Je suppose qu'il existe une autre explication pour la surfacturation. Non, je déconne ! Bien sûr qu'il existe une autre explication, cruelle par excellence. « Il est aisé de s'accrocher à ses stéréotypes et ses idées préconçues – déclarait Michelle Obama – on se sent ainsi rassuré dans sa propre ignorance. »
Alain, chaque fois que je pense à lui je n'arrive pas à m'y faire. Cette « manipulation » avec cette famille, souvent j'emploie le conditionnel à son sujet alors que je sais bien que... C'est sûr que durant ces cinq dernières années la nièce a dû le travailler au corps à corps. Le téléphone a dû marcher non-stop et je devais être le centre des conversations.
J'ai oublié que les absents ont, hélas, toujours tort. Cinq ans, c'est énorme !
Rose Bertin déclarait « qu'il n'y a de nouveau que ce qui est oublié » Moi, j'ai fait le mort. J'ai oublié de vivre, de partager. Maintenant je paie, je passe à la caisse toutes taxes comprises.
Bernadette a dû prendre parti et Alain a suivi. Angélique m'avait prévenu depuis longtemps « J'en fais ce que j'en veux. Ils sont trop contents quand je les appelle. Ils s'emmerdent tous les deux. »
Angélique leur a servi sa version et son plan diabolique. Elle a dû en jouir par avance.
Parfois je me dis qu'Alain a quitté une mère maltraitante pour son égal. Et la bêtise qui s'accroche.
Bernadette a découvert ce qu'était un mari, le sexe en supplément et pour le même « prix » l'art de s'occuper d'un enfant. Ne pas savoir lire cela vous marginalise obligatoirement, non ?
Comment juger sans comprendre ? Pourquoi aucun dialogue ? Pourquoi ? Mon frère avait une seule peur, une grande peur : De finir tout seul ! Aujourd'hui il est à l'abri et moi comme il l'avait prévu « Un jour, tu verras, tu finiras tout seul ». Enfin il disait ça à mes compagnes, jamais à moi ! Autrefois je n'y voyais pas de mal, aujourd'hui je ne suis pas si sûr de cela.
Quand je pense à Joëlle et Alain, je pense aussi à ma séparation avec Muriel. J'avais décidé de me débarrasser d'une bonne partie de mon appartement. Joëlle en avait profité pour récupérer plein de choses et Alain, lui, s'était limité à des jeux vidéo, la console pour jouer et des habits divers.
Je crois qu'il y avait ce vélo que j'avais acheté pour mes premières vacances également.
Je revois Joëlle les bras remplis et d'ajouter « Et ton magnétoscope, tu le donnes ? » Là, je n'étais pas sûr ! Je lui ai dit de me rappeler le lendemain « On verra... ». Elle a rappelé le jour prévu. Pour elle, il lui était inenvisageable de payer un tel article. On approchait d'un salaire de base. Le tout début de l'ère des magnétoscopes. J'ai coupé la poire en deux. Non en six ou en huit « Il y a en un peu plus... ». J'ai dit à ma sœur « Si tu veux, je te le vends cinq-cents francs ».
Elle s'est précipitée. Le lendemain, elle était là ! Elle m'a tendu ce billet neuf, un Pascal.
J'ai été ému par ma sœur – J'étais en pleine représentation théâtrale en réalité – alors j'ai remis son billet dans sa poche et l'ai invité à prendre le magnétoscope gratuitement. Et comme je n'avais plus de magnétoscope, j'ai donné aussi mon lot de cassettes, une cinquantaine.
Une fortune ! Aujourd'hui, je m'interroge ? A-t-elle dit la vérité à sa famille ?
A ce moment précis de l'histoire, ce n'était pas, il est vrai, mon problème. Même après d'ailleurs.
J'ai toujours été très discret avec les autres, je pensais à la notion de respect notamment.
Faire un cadeau cela ne se crie pas sur les toits. C'était entre nous, comme un secret d'enfance.
« Un homme heureux c'est un adulte,
qui répond à ses promesses d'enfant. » Géorgio, rappeur.
J'ai lu dernièrement la « biographie » d'un animateur télé, on l'appelait le gendre idéal.
Idéal parfois, peut-être, mais pas toujours. Il avait sombré dans l'alcool, la drogue...Il parlait d'une grande confusion entre réussir sa vie et réussir dans la vie « Être heureux c'est pouvoir poser ses valises, les ouvrir et puis...recevoir les priorités de la vie. C'est être en mesure de s'occuper de soi pour s'occuper mieux des autres. »
Il expliquait ses relations difficiles avec sa famille, sa mère notamment, sa mère surtout. Perdus dans ce texte nous partagions un point en commun : La mère, cette mère.
Il expliquait que célèbre ou pas, la plupart de temps il n'était pas convié aux réunions familiales.
La mère disait « Oh, tu connais son caractère... ». Par contre, quand on l'invitait, c'était à lui de payer l'addition. La seule différence, peut-être, c'est qu’outre le fait que je n'ai jamais été riche, c'est moi-même qui me jetais dans les griffes du loup. En effet, j'avais pris l'habitude, mauvaise bien sûr, quand avec la famille nous nous rendions au restaurant et que la fin du repas approchait, de me lever, et alors que chacun pensait que je prenais la direction des toilettes, d'aller payer avec ma carte bleue. Quand la fin du repas était annoncée, les gens – les Jusseron surtout – partaient les premiers.
Parfois quelqu'un disait « On doit aller payer ».
Moi, je répondais « Non, c'est bon ! »
Parfois c'est ma mère qui répondait pour moi « C'est bon, c'est réglé ».
Aujourd'hui, je me demande qui s'est rendu compte de la chose.
Tout le monde et personne, non ? La mère, oui, mais elle ne compte pas dans cette histoire.
De toute façon, quoi que je fasse, rien n'allait jamais.
Un jour, j'ai dit à ma mère « J'ai vu Alain, il courait vers le parc. J'ai été étonné qu'il ait toujours ce survêtement que je lui avais donné. C’est fou ça ! Ça va faire pas loin d'une quinzaine d'années ».
Je l'avais recroisé, plus tard, en tenue de ville. Il portait ce blouson, qui autrefois faisait partie de ma penderie, et que je n'avais jamais porté. Je suis sûr qu'elle a dû traduire ceci en disant à mon frère « Il s'est moqué de toi car tu portais toujours ses habits et blablabla... ». Assurément, je restais ce vilain petit canard.
« C'est proprement ne valoir rien que de n'être utile à personne. »
René Descartes.
Une chose me revient en tête au sujet du mariage d'Angélique. J’étais chez ma mère et cette dernière me raconte les préparatifs pour ce mariage. Puis elle téléphone à sa petite fille et celle-ci arrive dans la foulée. Elles me parlent de choses et d'autres...
La mère : « Tu as récupéré ta robe de marier ?
Angélique : Non, pas encore. Je dois d'abord faire les essais. Eh bien, tiens, tu ne veux pas venir avec moi ? Comme ça tu me diras ce que tu en penses. »
Alors j'ai répondu « oui. » Juste pour faire plaisir, même si dans le fond...
Ma mère n'est pas venue pour l'occasion. Ça, c'est très rare mais je n'y ai pas fait attention.
On arrive à la caisse. Je découvre la robe, bof...Et son prix. Sur la fiche sortie par la caissière je constate qu'aucun versement n'a eu lieu pour l'heure. Bizarre, ma nièce m'avait dit le contraire, pour la mère je ne suis sûr de rien. D'ordinaire, surtout si un versement avait déjà eu lieu, j'aurais payé la différence mais là, pour la première fois, je me suis demandé si elle ne me prenait pas pour un con, pour la mère je ne suis... Et pour la première fois également, j'ai assisté aux essayages, aux discours de chacun, à la future prise de rendez-vous mais à aucun moment je n'ai sorti ma carte bleue. Je ne le voulais pas pour une chose simple si j'avais payé la robe plus le chèque que j'avais remis à ma mère, à dix euros près, j'aurai payé la même somme que pour mon frère et ma sœur, et ça...Je ne le voulais surtout pas. Je crois qu'Angélique a été très surprise.
Aujourd'hui je me demande si ceci a compté pour ma non-invitation ?
De toute manière il y a une chose dont je suis certain et qui s'est obligatoirement passé dès le quatorze février, et peut-être le jour même soit ce fameux treize, c'est la rencontre qui a eu lieu entre la mère et la petite fille. Lors de ma rencontre, la dernière où j'ai vu ma mère, j'avais parlé d'un coup de téléphone d'Angélique où elle m'avait appris « Ta mère...Elle ne t'aime pas. Tu sais pour la réalisation du DVD, les soixante-dix ans, elle voulait à tout prix que je sélectionne des photos pas vraiment à ton avantage comme après l'armée ou après ta séparation avec Muriel. » Et pour couronner le tout j'avais même cité un mot que je n'employais jamais pour qu'elle comprenne bien que je ne cherchais pas à dire des bêtises et j'avais ainsi déclaré « On m'a dit que tu n'arrêtais pas de dire « mais si, mets donc ces deux photos » et tu « chouinais » sans fin » Je savais, hélas, ceci exacte car à la même période deux photos traînaient sur le buffet. J'avais pris la décision de ne rien dire, comme toujours, faire semblant de ne rien avoir vu. Je savais bien qu'après ce jour décisif de février, la mère s'en servirait pour demander des comptes à sa complice. « Ne faites pas à moi ce que je fais aux autres. » Elle se sentait comme trahie. Et là Angélique n'avait aucune échappatoire. C'était la vérité. Et encore, je n'ai pas raconté la visite chez sa voisine. Depuis un temps la mère m'interrogeait régulièrement « Je ne comprends pas, ma voisine me fait la tête. Tu sais quelque chose ? » Moi, j'avais répondu à côté mais je savais bien comment s'était déroulée la scène. Le jour précis choisit par ma nièce et le lieu de rencontre. Je n'ai rien dit, seulement pour ne pas faire mal. Sinon j'aurai été obligé de dire la vérité et celle-ci n'est pas toujours bonne à entendre. Où l'on retrouve la perversité de ma nièce. En réalité une seule fois, une seule nuit, ma mère a été absente. C'est quand elle s'est faite opérer des poignets et que personne ne voulait s'occuper du chien. Alors pendant une nuit j'étais là avec le chien quand en début de soirée on sonne à la porte.
Pas à l'interphone, non, à la porte.
J'ouvre cette dernière et que vois-je ?
Angélique.
Elle parle un temps puis voyant que je ne l'invitais pas ( moi, je n'étais là que pour le chien ) elle tente de franchir celle-ci. Enfin pas vraiment, mon corps lui fait obstacle.
Elle recule étonnée, revient à la charge et met même son pied à travers la porte.
Là, je la bouscule et franchi par la même occasion la porte et me retrouve sur le palier.
Et là, que vois-je ?
La voisine.
La porte entrouverte et la voisine sur le palier.
Quand je la vois, elle referme aussitôt sa porte et disparaît ainsi.
Pas la peine d'être Columbo pour comprendre qu'elle avait choisi la seule date où la mère ne serait pas présente et la visite chez la voisine n'était sûrement pas une visite de courtoisie mais plutôt de destruction. Ceci explique cela, toute cette haine préméditée. Voilà pourquoi, lors du tribunal, elle avait déclaré « Je ne l'ai vu que deux fois pendant son séjour à l'EHPAD ».
Je pourrais aussi parler de Teddy mais en vaut-il vraiment la peine ? Il est plutôt à plaindre, le pauvre. Sous prétexte qu'il a demandé l'aide d'Angélique, désormais il est littéralement attaché à cette dernière. Il s'était retrouvé le cocu de service, carrément le service trois pièces. Alors il avait demandé à sa sœur d'enquêter. Comme elle ne faisait rien de ses journées elle était toute contente de s'improviser détective. Au téléphone durant nos échanges elle m'avait dit
« Je l'ai suivie pendant trois jours et même la nuit tombée ». Elle m'a dit différentes choses au sujet de sa copine – des choses plus que...- mais lui a-t-elle vraiment tout dit à lui ? Pour ma part je ne le pense pas ou alors il a dû faire un gros travail sur lui-même. Mais je n'y crois guère !
Ça fera un secret de plus ! Et puis, la mère l'appelait « Le toutou à sa sœur ! » Il devait bien il y avoir une raison. Pour ma part, je ne me suis jamais intéressé à tout cela, une histoire de respect, je pense. Mais je ne peux pas dire que je n'étais pas au courant.
Je faisais celui qui n’a pas entendu, celui qui ne sait rien, le con quoi !
Et puis il y a aussi David. David, pour moi, il représentait un peu mon frère. J'aimais son calme, son honnêteté, sa disponibilité. Je revoyais, lors de mes visites chez ma sœur, c'était il y a près de trente ans, peut-être plus, c'est à la louche comme l'on dit, je revoyais donc les deux sauvageons, à savoir Angélique et Teddy et puis, en retrait, David qui jouait seul...Un peu comme mon frère.
Je repensais également à l'achat de cette maison, à Saint Paul, et la famille Jusseron au grand complet pour la visite. Ils étaient tous là, même le père du mari de ma nièce. Je voulais en premier lieu refaire le toit de la maison principale et j'avais demandé de l'aide, s'ils le voulaient bien, au beau père – il semblait bien connaître le sujet – et à David et Teddy car, eux, c'est vraiment leur travail au quotidien. Au final, seul David a répondu présent...Cela ne s'oublie pas.
Oui, il me faisait penser à mon frère, l'épisode traumatisant des amygdales en moins.
Et puis il avait eu de la chance, il devait avoir une quinzaine d'années, celle de rencontrer sa future femme. Et ainsi sortir de cette famille Jusseron pour en trouver une bien meilleure. Je pense qu'il a beaucoup appris au contact de son beau-père d'ailleurs il est intervenu à plusieurs reprises lors de la construction de leur maison. C'était un peu sa nouvelle famille, non ?
Il est devenu beaucoup plus dégourdi, d'ailleurs alors que Teddy avait trouvé une entreprise pour travailler sur les toits et que lui végétait dans un travail payé au SMIC, il avait rejoint l'entreprise de son frère et était devenu assez rapidement chef d'équipe alors que pour Teddy, rien à l'horizon.
Assurément, pour moi, Alain et David étaient les seuls que je considérais comme honnêtes. Pourtant Joëlle a semé le doute dans ma tête « David t'a laissé un courrier à Saint Paul... » J'ai du mal à imaginer David faire ça : Déposer une lettre, ouverte, sans date... Et aussi David, à la sortie du cimetière, avec cette discussion qui partait dans tous les sens... Pourtant j'aime à penser que Joëlle se soit trompée. C'était plutôt Teddy, non ? Et puis, pour le cimetière rien ne dit qu'il n'était pas de bonne foi. Je crois qu'Alain et David resteront, pour toujours, au conditionnel. Même si...
« Certains prénoms sont comme la bande-annonce du destin de ceux qui les portent.»Foenkinos.
Et puis il ne faut pas oublier cette « chère » Bernadette. Ah Bernadette, ce prénom venu d'une autre époque. Qui appelle encore sa fille ainsi, personne et même à l'époque des faits. Peut-être que les parents étaient très religieux ? Je pense à Sœur Bernadette, plus connu sous le nom de Marie-Bernarde Soubirous. C'était en effet une autre époque (1844-1879) ou alors c'était en référence à un aïeul et Bernard se conjugue au féminin. Parfois je suis beaucoup plus méchant. Je le suis toujours avec ce style de personnage, enfin surtout elle. Et je pense : C'est après l'accouchement et la vision de « The Thing » de Bill Lancaster ou encore « Ça » de Stéphen King et ce clown maléfique, une encyclopédie de l'horreur. C'est de circonstance, non ? A moins que Bernadette fut un laissez-passer pour le couvent. En effet qui aurait pu croire à un mariage. Personne. C'est sûr !
C'est méchant, je sais. Pourtant je ne voulais pas faire comme ma mère et ma nièce, ne miser que sur le physique et bien sûr condamner aussitôt la personne. Plusieurs fois, et devant elles, j'avais expliqué que ce n'était pas bien de faire ainsi. Les deux m'ont d'ailleurs sidéré quand en chœur elles m'ont dit et alors qu'elles ne l'avaient vu qu'une seule fois « T'as pas vu qu'elle a une jambe plus courte que l'autre » Je les ai trouvées ridicules. Comment accorder de l'importance à cela ? Moi, quand je découvre quelqu'un le physique n'a que peu d'importante.
On ne juge pas sur le physique. On ne juge pas les gens, on ne connaît pas leurs douleurs. Avant tout chose il faut d'abord en parler, en parler ensemble et là on peut se faire une première idée. Parfois je voudrais changer d'avis et hurler même si cela ne se fait pas « Ton intelligence et ton éducation sont à l'image de ton physique, dégueulasses ! » Mais on ne doit pas juger sur le physique et même si cela crève l'écran. Je me suis dit qu'à l'école élémentaire, puis le collège et le lycée, les enfants ont certainement été cruels, comme tous les enfants savent être cruels. Un physique ingrat et en plus un prénom... Oui, la vie n'a pas dû être facile. Sans aucune préméditation j'ai attendu que nos chemins se croisent à nouveau. Cela s'est déroulé à deux reprises. Avant et pendant le mariage.
Première rencontre : C'était pendant le déménagement de la mère. Ils ne vivaient pas encore ensemble mais c'est là que je l'ai vraiment vue pour la première fois. C'était gentil de sa part, non ?
La situation : La mère ne fait rien, Bernadette est assise face à un meuble bas et avec Alain nous montons le reste des cartons et autres objets oubliés lors du premier déménagement. Avec mon frère, on sortait tout ce bric-à-brac puis on montait avec l'ascenseur. Après, on pénétrait dans l'appartement et disposions tout ceci dans la pièce du fond. On a passé notre temps à monter et à descendre... Une ou deux fois j'ai vu la mère ne rien faire, assise sur son canapé, et Bernadette, assise également, toujours devant son meuble bas. Que faisait-elle ? Mystère et boule de gomme.
Sacha Guitry, profitant de l'ascenseur, me chuchote à l'oreille « Elle était, en somme, parfaitement laide, d'une laideur dont rien ne venait troubler l'harmonie. » et le commissaire San-Antonio d’ajouter-t-il je « Une monstrueuse qui parle comme on bave et bave comme on défèque, non ? »
On a repris, avec Alain, notre course folle. 2x x x 2 x
Et un coup je monte...Et un coup je descends... e + 2e + 1 = ( e ) + 2e + 1---> l'exception
A la fin, j'avoue j'en avais bien marre !
Bon, enfin, on avait fini ! Pour la mère, pas de question à se poser, elle restait fidèle à elle-même à ne rien faire. Et Bernadette ? Enfin, elle se relevait. Enfin, elle se retournait...
Elle affichait un franc sourire. Comme dans certaines toiles de Pablo à l'époque Cubique notamment
J'allais enfin savoir ce qui lui avait pris tant de temps, presque deux heures. Elle montrait, assez fièrement il faut bien le reconnaître, deux ou trois boîtes de conserve et déclarait dans la foulée « J'ai trouvé des boîtes de conserve périmées mais c'est bon, j'ai fait le tri. On va pouvoir tout jeter à la poubelle en sortant ». Dans ce meuble bas peut-être une trentaine de boites de conserve.
Deux heures pour faire ça ! Mais c'est du boulot de fonc…Deux heures alors qu'un quart d'heure...
Je n'ai rien dit mais je n'ai pu m'empêcher de penser « Que c'était abusé, à moins que... ».
En partant, j'ai pris le sac avec les trois-quatre boîtes et je l'ai jeté dans le local poubelle.
Pas dans la poubelle, à coté... Au cas où ? Peut-être qu'un malheureux serait heureux de cette découverte. J'étais fatigué alors je n'y ai plus pensé. Ce n’est peut-être pas plus mal car plus tard j'ai repensé à cela. « Sauf erreur de ma part, les boîtes de conserve on peut les dépasser de plusieurs années, non ? » Donc ceci n'avait servi à rien ! J'ai enregistré la scène mais je ne lui ai pas donné plus d'importance que ça. On ne juge pas sur une première rencontre.
« Réserver son jugement implique
un espoir infini. » F. Scott Fitzgerald.
Deuxième rencontre :
Ça sent le mariage à plein nez, une histoire de jours. Je suis passé à la FNAC pour acheter des piles au lithium pour mon appareil photo. Je ne souhaite prendre aucun risque. Je sais que pendant l'église je vais beaucoup solliciter le flash et ce dernier consomme énormément. Et puis dans le cadre de mon travail indépendant j'utilise très souvent mon appareil... Oui, pas de risque.
J'ai proposé à ma mère, je ne me souviens pas si j'en ai parlé à mon frère, de figer ce moment sur pellicule mais aussi version caméscope. J'ai prévu de faire une séance avant l'église exclusivement en photos puis après faire un doublage appareil photo et caméscope pour l'église.
Après, on avisera. L'important c'est que le démarrage soit parfait.
Juste avant le mariage je croise Alain chez la mère. Je lui demande si tout va bien, si le mariage s'annonce sans souci. Pour lui, tout est OK. Ça me fait plaisir de le voir si heureux...Ce n'est pas le cas de la mère. Avec Alain on parle du déroulement de ce moment de fête et je ne sais plus pourquoi, je m'entends lui dire « Au fait, tu as prévu de faire un petit livret pour pouvoir suivre la cérémonie et les chants que vous avez souhaités pendant l'église ? ». A sa réaction je crois comprendre que ceci ne devait pas être à l'ordre du jour. Alors, je lui dis que ce serait bien de le faire. J'argumente : C'est pratique dans un sens et puis certains aiment aussi à garder un souvenir. Je lui explique qu'il peut le faire faire chez un petit imprimeur – Et le mari de Joëlle, non ? - ceux que l'on croise au sein des galeries marchandes, ou même le faire ensemble. C'est sympa à faire, non ? On se quitte. J'avoue ne plus me souvenir de la suite.
Menento mori.
DONG ! DONG ! DONG ! ( Souvient-toi que tu es mortel)
Je jour J je débarque chez ma mère l'appareil en bandoulière et lui demande où se trouve le caméscope, si elle a bien pensé à le charger et surtout si une cassette a bien été prévue. Ma mère m'indique l'endroit et me confirme pour la cassette. J'ouvre la sacoche, constate que l'appareil est bien là ainsi que la cassette. Nous partons.
La séance photo s'est passé merveilleusement. Mon frère et sa future femme sont très épanouis. C'en est presque trop beau. Le temps est superbe. Pour moi ce début de mariage est encore mieux que dans mes rêves. Allez, on file à l'église.
Ça y est, c'est le grand jour, c'est le jour de l'union de deux solitudes.
D'un côté Bernadette, 40 ans bien passés, vieille fille n'ayant jamais connu l'amour. Je le sais, car un jour, Alain avait demandé à ma copine comment l'approcher, sexuellement parlant, sans lui faire peur. Elle avait peur du loup, non ? De l'autre Alain, même profil mais lui il connaît la chose.
Je suis là, assis sur mon banc. Angélique et la mère pas très loin. Je vois Alain venir vers nous. Il tient un truc entre les mains. Il se rapproche encore et se met à distribuer des livrets pour la cérémonie. Je me dis que j'ai bien fait de leur en avoir parlé. Je récupère le mien.
Je récupère le mien ?!? Comment expliquer ceci ? Je ne sais comment prendre la chose... Tant pis, il faut bien que je me jette. Entre mes mains, je vois effectivement les chants retenus et le déroulement du mariage mais pour la forme, attention, il faut s'accrocher.
Bernadette a récupéré, au boulot, de vieilles factures émises par ordinateur. On voit, tout de suite, qu'il s'agit de très vieilles factures car autrefois les perforations entre chaque feuillet étaient démesurées. Une autre époque quoi...Peut-être une vingtaine d'années. Il y a des factures sur fond blanc, jaune, bleu, rose... D'un côté les chants et de l'autre une partie de facture.
Bernadette a coupé ceci avec une paire de ciseaux, pas une page n'a la même dimension.
J'ai cette sensation de me projeter dans le métier de professeur des écoles. Je suis là, en grande section à moins que ce ne soit plutôt le CP. Je n'y crois même pas, c'est totalement fou !
Et Alain d'ajouter « Elle y a travaillé toute la nuit ! ».
« Pardon ? » Mais je n'ai rien dit dans la réalité. Avec Angélique on s'est regardé. On n'a pas parlé. Pas besoin ! J'ai eu l'impression de savoir lire sur les lèvres. A la déformation de sa bouche on pouvait y lire la première syllabe voire un peu plus « Mong... ».
Je devais bien me rendre à leur jugement. Oui, il y avait bel et bien un problème, non ?
Pourquoi ne pas avoir demandé de l'aide ? Mais on ne m'a rien demandé.
Déjà que l'on me supportait. Pour les photos ? Quand je pense qu'il suffisait de prendre un ordinateur, préparer une page A4, écrire les différents chants sur quatre parties distinctes, faire des photocopies et découper les différentes parties. A deux cela ne prenait que quelques minutes, un quart d'heure peut-être. Ils pouvaient même, s'ils le souhaitaient bien sûr, faire eux-mêmes leurs perforations – Prix d'une perforeuse, environ deux euros – vous ajoutiez à cela une surface plus ou moins cartonnée en guise de couverture et un joli petit ruban... Cela aurait eu une autre gueule, non ? Et tout ça pour un budget ridicule.
Ils me l'auraient demandé, je l'aurai fait avec plaisir...Mais il n'y a pas eu de proposition.
Pour quelques penny le sucre d'orge eut-été bien meilleur, non ? Tiens, salut Serge !
Pour quelques dollars...Une véritable révolution.
Et pour quelques euros...On est passé à côté...Quelqu'un a vu les codes, non ?
La mère et Angélique sont côte à côte. Je suis en retrait.
Le curé raconte son histoire puis se concentre sur les invités du jour. Je me lève aussitôt avec mon appareil et le caméscope que j'ai armé de sa cassette. Les premiers flashs envahissent l'espace. Je fais des portraits et des plans plus larges. Voilà, j'ai le début de l'église. Je me saisis du caméscope pour la scène des consentements. Ceci me paraît la façon la plus judicieuse pour inscrire ce moment dans l'éternité. Je prends donc le caméscope et le met en position « ON ». Rien.
J'ai dû faire une mauvaise manœuvre. Je recommence. Rien. Merde !
Je file droit sur ma mère et Angélique à ses côtés « Qu'est-ce qu'il se passe ? Je ne comprends pas. Pourquoi ceci ne fonctionne pas ? » La mère me regarde et semble ne pas comprendre. Je regarde Angélique. Elle me sourit, niaisement j'allais dire. Je pense à l'échange des alliances et le baiser final. J'abandonne le caméscope et fonce devant l'autel. Je suis prêt. C'est dans la boite.
A l'époque, et comme toujours, j'excusais ma mère « Elle n'a pas fait attention... Bien sûr que ce n'était pas volontaire. Elle l'a arrêté trop tôt » Aujourd'hui je suis sûr du contraire. Et Angélique à ses côtés, silencieuse. Silence et Angélique n'ont jamais fait bon ménage c'est le cas de le dire.
Déjà cela sentait la poudre, la guerre... Et moi, j'étais là. Sur la ligne Maginot. La cible parfaite.
Est-ce que ma mère a dit à Alain que je me servirai du caméscope ?
Et qu'a-t-elle dit après ? Après la non remise des photos qu'a-t-elle pu raconter au sujet du caméscope ? J'avais fait l'erreur. C'était ma faute. J'étais cette faute. J'étais l'erreur.
Condamné, pas la peine de vous lever « Vous êtes déclaré : COUPABLE. »
Où je repense à cette nièce diabolique et ma mère, fidèle miroir, déformant ? Déformé ?
Je savais bien que ces deux personnes étaient mauvaises mais comme toujours je ne disais rien.
Bien sûr que j'en avais pleinement conscience mais j'étais persuadé qu'on ne pouvait pas condamner quelqu'un, moi en l’occurrence, alors que celui-ci ne faisait que le bien. Je me suis lourdement trompé. Encore une fois, une de plus.
La mère j'en ai déjà parlé, trop sûrement. Pourtant il y aurait tant à en dire...
Je me revois trente ans auparavant, c'est Alain qui s'occupait de la mère. J'étais passé un jour où il était encore au travail. La mère rangeait son frigo. Elle avait étalé sur la table de la cuisine des fromages et enlevait le papier d'emballage de chacun pour un autre transparent. Elle était là en train de poser ce fromage, un fromage énorme, « bien servi » diraient certains. Je lui en fais la remarque en précisant « et ben dis donc, ça c'est du fromage ! » et la mère de déclarer « C'est l'Alain. Il ne sait pas acheter. » Le tout avec un air pas des plus sympathiques. J'ai trouvé ça nul. Au même moment je me souviens avoir pensé « C'est pour faire plaisir qu'il a agi ainsi. Bien loin de ne pas savoir acheter. » J'en étais sûr... Et encore aujourd'hui !
Quand je pense à cette mère je me dis qu'après Alain c'est moi « Qui ne savait pas acheter. »
Je réalise toutes ces courses que je lui faisais. Il y avait de quoi nourrir au moins trois ou quatre personnes et cela à chaque repas. Des entrées diverses et variées, des viandes aussi bien volaille que bovine, du fromage, des laitages et même le pain ou des croissants pour déjeuner. Quel con j'ai été !
Je ne voulais que faire plaisir à ma mère, et voici le résultat : J'ai nourri la mère et les Jusseron ! Et pendant ce temps tout le monde se foutait de ma gueule et tout ça à mes frais. Mais quel con !
Avec Alain on savait que pour faire plaisir à la mère c'était surtout la bouffe, les sorties et notamment les restaurants (Elle invitait, je payais) ou s'occuper de son intérieur.
Je me revois vingt ans auparavant. Alain toujours en scène, toujours en tête. Ce jour-là, quand ma mère m'ouvre nous sommes proches d'une scène de guerre. D'ordinaire l'appartement était toujours le même : Chacun à sa place et aucune chance de trouver un quelconque objet hors de sa base de confort. Mais là, c'est la guerre ! Je vois mon frère en train de tapisser et la mère de dire « Mais fais pas comme ça ! Attention aux poupées dans la vitrine... » Il se retourne pour me faire un signe de tête. Et sa tête à lui montre de toute évidence une très grande fatigue. A bout de course !
Il avait refait tout l'appartement. Il terminait pas le salon et après il ne lui resterait plus que les toilettes. Mon frère ressemblait à un mort-vivant.
J'ai regretté qu'il ne m'ait pas demandé de l'aide mais j'ai quand même proposé à mon frère de l’aider le lendemain pour terminer ensemble les WC. Je ne le regrette pas car Alain, sûrement pour faire plaisir à ma mère, avait acheté des rouleaux adhésifs et sur une surface granuleuse, bonjour le mariage ! Seul, c'était à se tirer des balles. Déjà qu'à deux on s'est fait...
Et la mère traînait son ennui sur son canapé...
Et en parlant appartement. C'était il y a une dizaine d'années. J'étais seul sur scène, seul en scène.
La mère déménageait dans sa tour. Avec Alain et la mère on s'est retrouvé en voiture pour voir ce nouveau domicile. J'ai dit à Alain – on devait refaire entièrement les lieux - « Tu m'aides ?
-Je dois d'abord en parler à Bernadette.
-D'accord, laisse tomber ! »
Mon frère n'a rien ajouté. La mère traînait son ennui sur la banquette arrière. Je suis sûr qu'elle n'en perdait pas une miette, mieux elle devait en jouir en silence. Enfin, j'ai pensé ceci, certes, mais bien plus tard. A l'époque j'ai surtout pensé que si Alain devait avoir l'accord de sa femme, c'était nul !
Et puis je me suis dit qu'il était en pleine lune de miel. Lui aussi avait droit au bonheur. Bien sûr que ceci promettait d'être long mais bon... Heureusement que mon amie a été très présente. Sans elle, je n'y serais jamais arrivé. Ça a été vraiment la course... Contre la montre.
Un chantier remis à la dernière minute. J'étais mort. Nous étions morts. Et ma nièce d'ajouter le jour de la visite des lieux. En me prenant à part :
-C'est un sacré travail. Comme Alain il y a vingt ans. Tu t'es fait payé ?
-Bien sûr que non.
-Ah bon. Alain, lui, il s'était fait payé ! » Je ne l'ai pas cru... Aujourd'hui encore.
Elle m'avait même donné la somme, précise et je n'ai précisément rien mémorisé.
Si cela a été vraiment le cas c'est que je suis encore plus con que je ne le pensais... Mais je n'y crois pas. Pas Alain. Et pour en finir avec la mère, ces travaux que j'ai effectués alors que les communs avaient inondé un mur entier de la cuisine. J'avais téléphoné à l'assurance soit on engageait une entreprise de l'assurance pour refaire le mur soit on le réalisait seul et pour cela l'assuré touchait une certaine somme. J'ai oublié, peut-être 400 ou 600 euros. J'ai acheté du plâtre, de la peinture et quelques laies en tapisserie. J'ai tout refait ! A l'époque j'étais content pour ma mère. Aujourd'hui je me dis qu'elle aurait pu partager (voire donner le tout) étant donné que j'avais tout réalisé seul.
Et même les fournitures ont été pour ma pomme. Mais quel con !
La nièce, à l'image de la mère, a toujours menti. Des exemples : Ils sont pléthores. Je n'en garderai que trois et le tout dans un total tohu-bohu. Un peu comme un bagage abandonné dans une cale et qui va de droite à gauche ou comme une machine à laver en mode essorage sans linge mais avec personne, la mienne.
En premier lieu ses coups de téléphone qui n'en finissaient plus. On parlait de tout le monde, de tout
J'essayais d'être gentil sauf quand elle me parlait de Bernadette. Là, je condamnais. Je disais tout le mal que je pensais de cette personne et notamment, et surtout, de ces fameuses photos et ce mépris silencieux qu'elle affichait. Parfois elle me parlait d'Alain. Une fois j'ai failli tomber à la renverse. Comme souvent elle ne prévenait pas et tout de go elle me dit :
« Alain, c'est un lâche ! » Je lui ai dit qu'elle se trompait alors elle a ajouté.
« Pendant treize ans il a léché le cul de ta mère car il avait peur de tout. Depuis il lèche le cul de la mongolienne avec sa jambe plus courte que l'autre et c'est parti pour ne jamais s'arrêter. »
C'était méchant, je sais, mais je n'ai rien dit. Était-elle au courant au sujet de l'illettrisme d'Alain ?
Aujourd'hui je ne saurais même pas étonné qu'elle ait enregistrée ces communications en ne gardant que certains passages. Les miens bien sûr !
Ensuite les chèques que j'ai remis pour les différents mariages. Plusieurs fois je m'étais questionné. Elle qui parlait beaucoup d'argent (elle m'avait même demandé combien par semaine me coûtait les courses) à aucun moment elle m'a parlé du montant du chèque que j'avais fait à Alain et sa promise. Étonnant, non ? Oui, de nombreuses fois j'y ai pensé et puis j'ai oublié. Si j'avais su.
Elle qui n'avait aucun tabou cela ne lui ressemblait pas. Curieuse comme elle était...
Aujourd'hui que sont devenus ces chèques. Je n'ai même pas de relevés bancaires pour le savoir.
Ont-ils été jetés, déchirés ? Pire, ont-ils été encaissés par d'autres. Sur les conseils de ma mère j'avais laissé la case du destinataire libre « T'as qu'a rien mettre, ils le rempliront plus tard ». Je ne savais pas si Bernadette allait changer de nom ou choisir un nom composé et pour Joëlle son nouveau nom, celui de son futur marié, m'était inconnu. Alors on a fait ainsi.
Et enfin Saint Paul. Je savais qu'elle avait le double des clés de la maison grâce à la mère (et peut-être Alain aussi). Je le savais car je refermais toujours le volet de la porte d'entrée principale et avant de mettre un tour de clé j'accrochais de l'intérieur un crochet qui reliait d'un côté la porte et le volet. Souvent je retrouvais ce crochet qui pendait dans le vide. Moi, bêtement, je pensais qu'ils l'avaient oublié maintenant je sais qu'ils me montraient qu'ils étaient en quelque sorte comme les propriétaires. Bien sûr que j'aurais pu changer la serrure mais chaque fois je me disais que c'était eux les fautifs, non ? Mon dieu, quand je repense à tout cela.
Bien sûr qu'il y a eu bien d'autres exemples mais je préfère me limiter à ces trois-là.
Où je repense, encore, à cette nièce diabolique et sa mère, fidèle miroir, déformant ? Déformé ?
Je revois ma mère dans son cercueil et Joëlle et Angélique embrasser celui-ci. A cet instant je n'ai pu m'empêcher de penser en les voyant « Toi on t'a bien baisé la vieille ! »
Qui a entraîné qui ? Un jeu d'équipe, non ? Cette nièce, qui m'annonce fièrement, son désir d'enfant. Je trouve ça fou ! J'ai presque envie d'en finir avec cette conclusion.
Je vais changer mon ouverture et laisser là Alex Kahn pour davantage retrouver Yves Coppens ou Frédéric Lenoir. Tiens, pour la peine, j'y ajouterai même Aurélien Barrau, astrophysicien.
Un homme assez pessimiste sur la fin de notre monde. « Près de 75% de l'humanité connaîtra des phases de canicule qui pourront dépasser allègrement les vingt jours et ceci avant la fin de ce siècle. Et, avant trente ans, nous observerons des déplacements de population à peine imaginables ».
Pessimiste le garçon ? Non, juste réaliste, les deux pieds bien dans ses pompes et lui, c'est sûr, il n'est pas en manque d'informations. Dans son dernier livre il a écrit sur la première page.
« A tous les vivants qui vont souffrir de notre incompétence. Avec honte »
Albert Einstein le rejoint « Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui le regardent sans rien faire. » Heureusement la nouvelle génération semble plus consciente à l'image de la jeune Greta Thunberg « Quand on commence à agir, l'espoir est partout. Alors, au lieu d'attendre l'espoir, cherchez l'action...Je veux que vous agissiez comme si votre maison était en feu. Parce qu'elle l'est. « Vous dites que vous aimez vos enfants. Pourtant, vous volez leur avenir sous leurs yeux ».
Aurélien Barrau s'inquiète au sujet d'une surpopulation – peut-être déjà en route ? - et parlent, d'ores et déjà, de huit, neuf, dix, onze et même douze milliards d'individus en seulement quelques décennies. Et puis, il y a les autres. Les gens simples d'esprit, pour qui enfant rime avec assurance-vie, cela ne leur posent aucune question quant à l'avenir des petits qu'ils vont mettre au monde.
« Moi !... Moi, d'abord ! ...Moi avant tout chose !...
Moi, et les enfants, peut-être, plus tard. ».
« Vivre indéfiniment est philosophiquement
inconcevable et serait d'un ennui illimité...
Allez, on décharge tout, décharge publique, non ? Qui aurait -il de plus absurde qu'un
Allons-nous en brûler tout ça. immortel qui se suicide ? » JL SS
Et parmi mes regrets notamment, celui de ne pas avoir pu en parler. Ni avec ma sœur, ni avec mon frère. Ceci me paraissait pourtant si important. Une manière de faire notre deuil, celui de notre enfance. Jacques Brel disait : « Mourir la belle affaire, mais vieillir. ».
Allez, je m'autorise a changé cette fin « Mourir la belle histoire, mais souffrir. ».
(Et je garde en moi cette énorme colère...
« Ira furor brevis est » pourraient dire certains - la colère est une courte folie.)
« La communauté des animaux. Il s'agit de notre communauté initiale, dont nous ne sommes jamais sortis, malgré nos tentatives désespérées pour le faire croire et l'obstination à renier nos origines.
Nous ne sommes que les visiteurs d'un zoo égaré au milieu de nulle part. » Aymeric Caron.
Je me suis rendu à la banque.
J'ai retiré un peu plus de dix mille euros, soit l'ensemble de ce que je possède.
J'ai dû faire cela en plusieurs fois mais ma patience a payé.
J'ai récupéré également à peu près la même somme chez-moi. J'avais divisé, et ceci depuis plusieurs années, l'argent dans deux enveloppes distinctes. Chacune à l'intérieur des baffes stéréo.
Elles étaient là, sur le buffet de la cuisine, bien scotchées à l'intérieur.
J'ai pensé à faire mensualiser toutes mes factures. Au moins j'aurai le temps, non ?
A Saint Paul, j'ai fait le tri. J'ai retrouvé des trucs que je pensais ne même pas posséder.
J'ai retrouvé de tout et même plus : Des machines, des outils, des pots de pâte à bois ou encore une gamme folle en peinture, différents parquets, des équerres, des chevilles...J'ai même mis la main sur une corde de chantier pour hisser le matériel sur les échafaudages. Elle a un diamètre plus que conséquent. On pourrait, très facilement, tirer une voiture si l'on voulait. Et même un camion.
En parlant de voiture, j'ai acheté une nouvelle voiture, d'occasion bien sûr. Je ne voulais pas qu'ils découvrent ma voiture brûlée, sans contrôle technique et tout le reste...
Voilà, j'ai fait le maximum. J'ai même engagé un dernier chantier. Je n'ai pas refait la fuite apparue dans ma grange mais j'ai terminé la gouttière et la retombée côté voisin. J'espère qu'ils seront heureux cet été.
Au final, je me suis dit que ce n'était pas une conclusion mais un véritable capharnaüm. La dernière fois où j'ai repris ma nouvelle voiture j'écoutais Léo.
Et puis cette dernière phrase « La lucidité se tient dans mon froc ! » hurlait Ferré.
« Être ou ne pas, Être est la réponse » sourit William.
Au loin, c'était encore l'été, une éternité quoi !
Et des rêves par milliers
« Regarde, là, une orange ! »
« Après la mort, les atomes de notre corps
retournent à la terre des cimetières. Ils peuvent
être réutilisés dans l'élaboration d'autres êtres vivants,
des plantes ou des animaux. Les atomes ne meurent pas. »
Hubert Reeves.
.2
i = - 1 <-----> Nombre imaginaire.
Les polyèdres <-----> S – A + (F = 2
in)
Je vais rester sur Axel Kahn et lui redonne par la même occasion la parole
« Pour le généticien « Matérialiste évolutionniste » que je suis, l’homme est un avatar de l’évolution au même titre que le rat, le grain de riz ou le chêne, sans qu’aucune préconçue ait présidé à son émergence. »
A cela je réponds par un énorme « Oui ! » On retrouve l’homme, le rat pour l’animal et le chêne pour le végétal. C’est bien dans ma philosophie.
Je sais bien que l’homme n’est rien d’autre qu’un animal mais la majorité pense le contraire… Ils sont cons, non ?
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