CHAPITRE 43
CHAPITRE 43.
Début juin
Un drôle d'appel et mes interrogations de se poursuivre.
Hier, j'ai eu comme une surprise. C'était la fin de la journée, j'allais fermer mon téléphone quand je vois s'afficher deux messages en absence. Bizarre ! Ce matin rien ne le signalait et durant toute la journée mon téléphone est resté à côté de moi. J'ai souvenir d'avoir répondu à un appel mais le reste du temps il était en mode silence...Bizarre !
J'interroge le répondeur.
Premier appel, aussitôt ça raccroche.
Deuxième appel « Allo c'est l'Alain. La Joëlle elle ne peut pas lundi. Elle peut le jeudi à seize heures devant la caserne des pompiers. Pour les papiers que t'as demandés, ils ont tout balancé...Allez... »
« La famille, ce havre de sécurité, est en même temps
le lieu de la violence extrême. » Boris Cyrulnik.
La bizarrerie de la chose, outre l'appel lui-même et son contenu, c'est que ce dernier a été enregistré la veille à dix-neuf heures. Et ceci n'apparaît qu'aujourd'hui, en fin de journée.
Je me remémore un appel d'Alain il y a de cela quelques années. L'époque où j'avais retrouvé cette pierre tombale totalement fendue. Ne souhaitant pas tomber sur moi il était passé directement sur le répondeur, le tout sans aucune sonnerie. Je sais la chose possible. Je l'avais oublié.
A-t-il fait de même ? Est-il passé par Angélique ? Mais comment expliquer ce décalage ? Possible ? Peut-être ? Moi et la téléphonie, ça fait deux ! Que penser de tout ça ?
« La famille est un ensemble de gens qui se défendent en bloc et s'attaquent en particulier » aurait pu dire Diane de Beausacq. Moi j'avais une version légèrement différente. , , – 8
J'étais le particulier, la particule, en face de moi, un bloc. f (1) = f (1) = --- = – 2,
g l
Au début j'ai trouvé normal que Joëlle appelle Alain. En effet, elle n'avait pas d'autres solutions pour me joindre, rapidement j'entends. Quoique... Mais partant de là, on devinait facilement qu'elle possédait donc son numéro. En réalité depuis toujours, c'est ainsi qu'elle l'a appelé quand la mère partait pour son grand voyage. Mais alors pourquoi sur les papiers du jugement du tribunal apparaît son adresse et aucun numéro de téléphone ? Pas la peine d’aller plus loin, c'est moi la cause, l'indésirable, le vilain petit canard. Je sais bien que l'épisode du bus et nos deux dernières rencontres ne jouent pas en ma faveur. C'est normal, c'est ma faute, ma très grande faute.
Aujourd'hui je me demande depuis quand mon frère me prend pour un imbécile ?
Depuis le décès du père ? Bien avant encore ? Toujours ?
Non, je sais que ce n'est pas depuis toujours...Mais bien longtemps... « Dans toutes les larmes s'attarde un espoir » affirmait Simone de Beauvoir mais je n'ai plus de larme, je crois. Une thérapeute connue disait « que les larmes sont comme des points de suture sur nos souffrances »
Serait-ce devenu de la haine ? Fait-il parti d'un quelconque complot ?
Je repense au courrier que j'ai envoyé il y a de cela un an et aucune réponse. La pierre tombale et personne pour m'aider financièrement alors que je suis, et de loin, le plus pauvre. De mes interrogations nombreuses quant à ce vidage d'appartement et encore une fois, pas de réponse.
Ça fait beaucoup, non ?
« Les coups de poing font mal, les mots sont encore plus
douloureux, et le silence te terrasse. » Andréa Marrè.
Il y a Alain, certes, mais aussi tout le reste. Ça se bouscule dans ma tête sans aucun ordre. Il y a la scène avec Joëlle et son mari. Il y a la voiture garée devant la caserne des pompiers. Elle était là, stationnée devant une haie de végétaux, le coffre grand ouvert. Impossible, même si je l'avais prévu, de connaître l'immatriculation du véhicule. Je crois qu'elle était de couleur grise et encore je ne suis sûr de rien. Je ne reconnaîtrais même pas le modèle, idem pour la marque !
Il y a Angélique que mon frère et sa femme semblent prendre comme une personne très intelligente.
Un peu plus et elle aurait le statut de sainte « C'est elle qui s'est occupée de tout ! ...C'est grâce à elle que nous avons eu des prix... »
Des prix, mais quelle fumisterie. Les pauvres. Mon pauvre frère s'y savait.
Depuis toujours il a été la victime de la famille Jusseron et justement d’Angélique, c'est elle qu'on envoyait au feu. Aujourd'hui encore d'ailleurs. Parfois Teddy. Je m'explique.
Son père allait récupérer au Secours Populaire, à la Croix Rouge ou Emmaüs des vêtements.
Parfois on les lui donnait et parfois on lui vendait le tout à un prix dérisoire. C'est là qu'Angélique entrait en scène. Son père lui disait « Tiens, prends ces pantalons et autres pull-overs ils doivent aller à Alain. Tu lui dis bien que c'est de la marque. J'en demande cent francs – c'était très cher - mais si tu peux négocier plus, tu gardes la différence. » Et à chaque fois Angélique refourguait le tout à Alain. Mais Alain ne fut pas la seule victime, moi aussi j'y ai eu droit. Pas pour les vêtements mais pour l'achat d'un trente-trois tours. Un album avec deux disques dont l'une des faces était tout bonnement peinte. On aurait dit que quelqu'un avait essuyé ses pinceaux. Je ne sais plus si Angélique était aux manettes ou son père mais au final je l'ai quand même acheté, cher. J'ai fait confiance « tu verras ça n'empêche pas de l'écouter » et comme je n'avais pas d'électrophone pour vérifier... Plus tard, bien plus tard, j'ai constaté que la face était inécoutable et pour les trois autres faces le son était dégueulasse. Des crépitements de partout ! Inaudible en réalité. Ils avaient dû « acheter » ça à Emmaüs. Ou le trouver à la poubelle, peut-être.
Pour Alain je le sais car à l'époque où ses coups de fils pouvaient durer plusieurs heures, au moins deux, elle était bien obligée de parler et parfois elle oubliait les gens qu'elle avait face à elle. Je crois qu'il y avait surtout beaucoup de mépris du style « Ouais, il ne comprendra pas de toute façon ».
Et un jour, presque naturellement elle m'avait avoué « Ce jour-là, je lui ai carrément vendu cent trente francs, tu t'imagines »
Mais revenons dans notre toujours triste réalité et cette liste de « Il y a.… ».
Il y a ce rendez-vous à la caserne des pompiers alors qu'ils habitent à côté. Ils pensent que je n'ai pas compris que près de la moitié des meubles, bibelots sont chez elle.
« Il m'a fallu beaucoup d'années
pour vomir toutes les saletés qu'on m'avait enseignées sur moi-même. » James Baldwin.
Ils me prennent vraiment pour un con.
Il y a les propos de ce patron alors que deux de tension avait disparu « Les messes sont effectivement payantes. Par contre, vous commettez une erreur. Dans l'église où vous souhaitez un dernier hommage – il s'agit en réalité d'une salle appelée paroisse mais c'est pareil – ce n'est pas deux cent euros mais cent trente ». Je pourrais vérifier cette information, encore un mensonge de plus, mais je n'en ai plus la force ni le courage. A quoi bon ?
Et puis il y a le futur enterrement de ma sœur. Une place toute trouvée. Sûrement la dernière de libre, avec les grands parents. Et hop, dans la boite. Quand je pense à une boite je vois devant moi ce paysan philosophe Pierre Rabhi que nous connaissons depuis près de cinquante ans. Je l'entends nous dire « A l'école on est comme en boite, puis on travaille dans une boite, on se détend en se rendant en boite et on finit dans une boite » La finalité de ses propos, c'est la liberté de choisir avant toute chose.
Et son mari ? Séparés dans la mort ? Et moi ? Qu'est-ce que l'on va bien pouvoir faire de moi, de ma dépouille ? Je me sens en trop. Heureusement que je n'en ai que faire... mais quand même. Les graviers me paraissent lointains, trop... Je vois plutôt un immense feu, une urne et du vent.
Il y a de cela bien longtemps j'avais expliqué à Angélique « Prenez le moins cher. Si c'est la crémation ça m'ira très bien. Mes cendres ? Jetez-les au-dessus d'une décharge publique ce sera un bon résumé ». Après m'avoir pris au mot pour le tribunal je verrai bien la chose ainsi.
Ainsi soit je, ainsi soit-il, ainsi soit-elle diraient Mylène la chanteuse ou Benoîte l'écrivaine.
On est dans l'ambiance, non ?
« Chaque élément d'une enquête est un miroir.
Et le tueur se cache dans l'un des angles morts. » JC Grange.
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