CHAPITRE 27
CHAPITRE 27.
Vendredi 20 avril
De l'administratif à un lys en passant par Alain. « Car, non moins que savoir,
douter m'est agréable. »
Je me suis réveillé à six heures. En sursaut, ai-je besoin de le préciser. Dante.
Et une courte nuit au programme, une de plus, encore.
La veille j'ai préparé une liste avec tout ce que je dois faire : Dans le désordre l'assurance, la banque, les photocopies de papiers administratifs, les courses, le magasin de bricolage...En parlant de magasin de bricolage, j'ai ajouté les crochets pour la gouttière, des rondelles, un néon pour mon appartement et comme ce magasin est à côté d'une grande surface j'ai prévu de finir par là.
J'hésite par où commencer.
Je décide de débuter par les photocopies, l'assurance, la banque et finir par les deux magasins.
Je ferme la porte, il est sept heures cinquante.
Le bus vient de me filer sous le nez alors presque en face se trouve un autre arrêt de bus, celui qui peut m'approcher le plus possible des magasins. Je change de programme.
J'achète ma liste de fournitures et les courses. Le problème c'est que sans voiture je suis obligé de retourner chez moi pour déposer ce tout.
10 H 30 Retour à la maison. Et toujours cette foutue côte... 10 H 35 Départ de la maison.
Je pars faire les photocopies et en profite pour acheter des fruits au marché.
12 H 45 Retour à la maison. Et toujours cette satanée côte...
Je mange n'importe quoi et j'ai soudain une énorme envie d'écrire. « Écrire, c'est lire en soi
pour écrire en l'autre. »RB
Je lève les yeux de ma page d'écriture, il est quatorze heures trente. Vite l'assurance ! Je prépare les papiers et autres photocopies. Une phrase de Gustave Flaubert me revient en tête « L'avenir nous tourmente, le passé nous retient, c'est pour ça que le présent nous échappe ».
Avec l'assurance je m'en vais survoler ce tout.
A quinze heures je pose mes fesses dans leur salle d'attente.
Je n'aurai pas la chance de Bernadette et Alain, près d'une heure. Pour la banque ça ne prend que quelques minutes. J'ai quand même demandé deux choses, la première au cas où je retrouverai un chéquier avec une ancienne adresse et des renseignements sur le chèque de banque.
La personne, nouvelle, est très compétente.
A dix sept heures je laisse un courrier, que j'avais préparé la veille, dans la boite aux lettres d'Alain.
Le 20 avril.
Bonjour à tous les deux,
Voici, comme convenu le chèque pour les pompes funèbres. (J'ai barré la ligne.)
Désolé mais je ne paye plus avec ce moyen de paiement depuis bien longtemps et je ne retrouve plus ces derniers. J'irai payé sur place avec ma carte bleue soit lundi soit mardi.
Merci pour tout. Merci pour cette mémorable journée du dix sept avril, grâce à vous j'ai pu assister à toute la cérémonie.
PS: Si tu veux je peux récupérer ton chèque et payer la différence sur place.
S'il y a un problème, téléphone moi.
« Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères,
sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots. » L King.
Voilà, c'est fait. Et maintenant ?
Il est un peu plus de seize heures et comme d'habitude j'hésite. Je suis « comme une sphère infinie dont le centre est partout, la circonférence nulle part » pensait Blaise Pascal.
La logique voudrait que je reprenne ma page d'écriture que j'ai laissée sur la table de la cuisine, mais mon esprit est ailleurs. Il est resté quelque part dans la grande surface de ce matin.
Oh je sais, c'est tout bête. Il paraît « Que le spleen n'est plus à la mode »
Ce matin quand j'ai franchi les portes j'ai vu, mis en évidence, des plants de lys. En pot, avec six ou sept fleurs prêtent à s'ouvrir. J'ai trouvé ces plants très beaux. J'avais même prévu d'en acheter un ou deux pots mais comme je ne suis pas repassé devant...
Mais je n'ai pas oublié. Je rentre où j'y vais ? Je pense à mes jambes.
J'ai marché quelques dizaines de mètres sans savoir avant de m'engouffrer dans un bus.
Ce bus nous emmène près d'une zone commerciale, le problème c'est qu'il nous laisse à cent mètres.
Pour y accéder les cinquante premiers mètres sont en côte puis vous plongez directement au sein du complexe. Après, on inverse le sens mais au final, d'un côté comme de l'autre, il y a une histoire de côte. Et les côtes ça commence à devenir mon cauchemar. Comme je regrette la voiture...
Je rentre et ressors presque aussitôt. Je n'ai acheté qu'un seul pot, pour ma mère.
Il est presque dix-sept heures. Est-ce que je tente le cimetière ?
« L'enfer c'est pas grand-chose. A côté d'être seule sur terre. »
J'ai tenté. Michel Berger.
Je suis arrivé juste avant la fermeture, à savoir dix-huit heures.
La tombe avait retrouvé son image : La pierre, les plaques, un pot de fleurs en plastique et la couronne, enfin si on peut l'appeler ainsi, et un bouquet pour marquer la nouvelle arrivante. Je me rends compte, pour la première fois, que ce bouquet ridicule coûte entre cinq, maximum dix euros - ça sent la grande surface à plein nez, ces bouquets abandonnés près des caisses – et pour la « couronne » quelques fleurs voire des débris de végétaux essayent de faire bonne figure même si le cœur n'y est pas. C'est vraiment triste à en mourir. J'estime le tout à maximum vingt-trente euros mais bon... j'en connais un qui s'est bien fait baiser !
Avec ce soleil pendant toute cette semaine les fleurs ont une sale gueule. Tout est fané, triste à mourir. Je n'ai rien changé, rien jeté, peut-être pour ne froisser personne.
J'ai mis sur un coin de la tombe le pot de lys. Entre temps j'avais trouvé un point d'eau et une bouteille vide pour pouvoir l'arroser. Je me suis entendu dire à ma mère « T'as vu maintenant comme on est malheureux ? » C'est bête, je sais. J'ai rapproché trois petites plaques pour que le pot ne se renverse pas car dans ce cimetière, comme très souvent d'ailleurs, le vent est très présent.
J'ai rejoint mon appartement juste avant dix-neuf heures. « Le fou se croit sage et le sage
J'allume la télévision et cherche dans le frigo un truc vite fait. se reconnaît fou » Shakespeare.
19 Heures le téléphone sonne. « Allo, c'est l’Alain... »
Il me propose de nous rendre ensemble, avec Bernadette bien sûr, aux pompes funèbres. Il avait pensé le lundi qui arrive. « D'accord » On se retrouve chez lui à dix-sept heures. Merci Alain.
Un quart d'heure s'écoule. A nouveau le téléphone sonne.
« Allo, c'est l'Alain... » Il me rappelle pour me dire qu'il ne prend pas la carte bleue. C'est gentil de sa part mais moi je pète les plombs. « C'est quoi ce commerçant de merde... » Et j'en passe.
Il n'arrête pas de me stresser, c'est ainsi que je vois la scène. « Oui mais il faut aller vite »
Ça revient plusieurs fois dans la conversation. Je lui dis que je m'adapte. Je lui rappelle qu'il n'y a pas une semaine je n'étais au courant de rien.
J'entends Bernadette qui ajoute « Oui mais il a fait un travail, c'est normal de le payer ».
Alors, en guise de conclusion, je déclare « Bon, envoyez votre chèque de votre côté, moi je passerai à la banque mardi – lundi c'est fermé – ils recevront le chèque jeudi ou au pire vendredi ».
Alain me dit qu'on aurait pu mettre les deux chèques ensemble.
« Je ne suis pas à un timbre près. Merci pour tout ». _
V2 = 1,4142135623730950488...
« On vit comme si on n’allait pas mourir,
on planifie,
on se projette en avant
comme si nous étions éternels... » Diam's.
Il était une fois... Quelque part sur le continent américain.
Une ville, un désert pas très loin, des serpents « On dirait le sud ! » pourrait chanter Nino Ferrer.
Ça sent le cow-boy à plein nez, non ?
Le far-w-est avec ces ruelles et ces débris de végétaux qui suivent ainsi le vent.
En ville, depuis quelques temps, les serpents sont à l'honneur. Enfin, façon de parler !
En effet, ils envahissent toute cette zone, là où vivent les habitants. Autrefois ils restaient à la périphérie de la ville mais là, il faudrait faire quelque chose. C'est ainsi que le shérif, le Maire et tous les citoyens se retrouvent dans cette salle, une annexe de la Mairie.
Après plusieurs réunions le Maire annonce « Nous devons travailler main dans la main. C'est pourquoi, et afin de lutter contre cette invasion, je propose pour chaque capture d'un serpent une indemnité de cinquante dollars. »
Ceci fut voté et chacun rentra chez lui.
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Au début, les citoyens recherchaient ces « sang-froid » puis après un passage par la Mairie et les cinquante dollars encaissés on les retrouvaient au saloon en train de savoureux une bonne bière ou autres alcools plus ou moins forts, enfin plutôt forts. Ça, c'était au tout début.
Petit à petit on avait pris l'habitude de voir une longue file d'attente devant les bureaux de la Mairie.
Super ! Le problème n'allait plus en être un pour encore bien longtemps, non ?
Et c'est là que l'on retrouve l'homme. Dans toute sa vanité, dans toute sa couardise. « S'il vous plaît :
Passez-moi Cioran ! » Ça, c'était donc au début.
Puis certains habitants reniflèrent la bonne affaire. C'était si simple en réalité ! Afin de ne plus avoir a les rechercher, il suffisait de les élever...
Les éleveurs de serpents se multiplièrent, la file d'attente s'agrandit et les saloons affichèrent très rapidement le panneau « Complet ».
C'était presque la belle vie... moins pour les serpents.
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Au bout d'un certain temps, le Maire et ses conseillers comprirent la supercherie et de ce fait arrêtèrent toutes indemnités...
Ceux qui élevaient ces serpents n'avaient plus aucune raison (financière surtout) de les garder. Alors, ils les rejetèrent dans la nature, là, tout proche des habitations.
Résultat :
Cette ville autrefois envahie par les serpents avait vu sa population de « rampants » multipliée par deux voire trois.
Comme quoi même une bonne idée au départ...
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